Après des négociations intenses et 48h de retard, les représentants de 195 états ont approuvé le résumé de ce dernier volet du 6ème rapport d’évaluation du GIEC, travail du groupe III qui porte sur l’atténuation du changement climatique.
Ce rapport examine ce que nous pouvons faire pour limiter les émissions et fournit des pistes qui montrent comment les décisions que nous prenons aujourd’hui et dans les décennies à venir façonnent l’avenir de notre planète.
Développements récents et tendances actuelles
En 2010-2019, les émissions mondiales annuelles moyennes de gaz à effet de serre étaient à leur niveau le plus élevé de l’histoire de l’humanité, mais le taux de croissance a tout de même ralenti.
Nous ne sommes aujourd’hui clairement pas sur la bonne trajectoire, sans réductions immédiates et profondes des émissions dans tous les secteurs, la limitation du réchauffement climatique à 1,5°C est hors de portée. Toutefois, les preuves de l’action climatique se multiplient. Le coût des technologies bas carbone a diminué ce qui les rend plus accessibles. Il y a une augmentation constante des politiques et lois qui permettent d’améliorer l’efficacité énergétique, de réduire les taux de déforestation et d’accélérer le déploiement des énergies renouvelables.
Les contributions aux émissions mondiales de gaz à effet de serre continuent cependant d’être extrêmement déséquilibrées. Les 10 % de ménages les plus aisés contribuent de manière disproportionnée aux émissions mondiales.
Combustibles fossiles
Le résumé explique de façon très claire la nécessité d’arrêter la production des combustibles fossiles : Si nous n’arrêtons pas bientôt la production de charbon, gaz et pétrole, nous dépasserons un réchauffement de +1,5°C. Non seulement nous ne devons pas créer de nouvelles infrastructures ou de nouveaux projets, mais les infrastructures existantes doivent être fermées prématurément.
Dans son discours poignant, Antonio Guterres, secrétaire générale des Nations Unies insiste : « Les activistes climatiques sont parfois dépeints comme de dangereux radicaux, mais les véritables radicaux dangereux sont les pays qui augmentent la production de combustibles fossiles. Investir dans l’infrastructure actuelle des combustibles fossiles est une folie morale et économique« .
Agir maintenant
« Dans le cas où nous agissons immédiatement pour limiter le réchauffement, les émissions mondiales de GES devraient atteindre un pic au plus tard avant 2025. »
La date de 2025, soit dans 3 ans !!, doit être une incitation à agir maintenant, comme le rappelle Julia Steinberger une des auteurs du rapport. « soit nous allons sur une trajectoire qui nous mène au désastre, soit nous prenons les mesures nécessaires maintenant »
Différents scénarios
Le présent rapport évalue un large éventail de trajectoires et de scénarios d’émissions mondiales modélisés. Ces scénarios ne sont pas des prédictions, les différentes voies sont établies sur la base d’un ensemble d’hypothèses concernant les conditions socio-économiques futures et les mesures d’atténuation. Le GIEC ne recommande rien, mais fait la synthèse des éléments scientifiques.
Détail des scénarios avec ce lien (anglais)
Solutions dans tous les secteurs
Énergie
La réduction des émissions de GES dans l’ensemble du secteur de l’énergie nécessite des transitions majeures, notamment une réduction substantielle de l’utilisation globale des combustibles fossiles, le déploiement de sources d’énergie à faibles émissions, une généralisation de l’électrification et une meilleure efficacité énergétique.
Industrie
La neutralité carbone du secteur industriel représente un vrai défi, mais elle est possible. La réduction des émissions de l’industrie nécessitera une action coordonnée tout au long des chaînes de valeur pour promouvoir toutes les options d’atténuation, y compris la gestion de la demande, l’efficacité énergétique, l’utilisation de matériaux plus efficaces, la réutilisation, le recyclage, la réduction des déchets…

Villes et zones urbaines
Les villes ne peuvent atteindre la neutralité carbone que par une décarbonation profonde et une transformation systémique.
Comme indiqué dans la présentation, une meilleure planification urbaine est nécessaire ainsi qu’une production et une consommation durables de biens et de services, l’électrification, et l’amélioration de l’absorption et du stockage du carbone (par exemple, espaces verts, étangs, arbres).
Bâtiments
Pour les bâtiments encore à construire ou à rénover, des mesures ambitieuses doivent être portées en termes d’efficacité énergétique et d’énergie renouvelable. Pour les pays développés, le potentiel d’atténuation le plus élevé est lié à la modernisation des bâtiments existants, (ex : réaffecter les bâtiments existants inutilisés pour éviter notamment d’utiliser des terrains supplémentaires.)
Transport
La réduction de la demande et les technologies bas carbone sont essentielles pour réduire les émissions : Investir dans les transports publics et dans les infrastructures de transport actif (ex : pistes cyclables et piétonnes) et changer la forme urbaine (ex : la densité, utilisation des sols, connectivité et accessibilité) combinés à des programmes encourageant les changements de comportement des consommateurs (ex : campagnes vélo-boulot, cartes de transport gratuites, frais de stationnement ou suppression des avantages liés à la voiture.)
Le rapport indique que les véhicules électriques alimentés par de l’électricité à faibles émissions offrent le plus grand potentiel de décarbonation pour les transports terrestres, sur la base du cycle de vie ; mais sans oublier la nécessité de réduire l’impact environnemental notamment sur la production de batteries. Des carburants de substitution (hydrogène et biocarburants à faibles émissions) seront nécessaires pour l’aviation et le maritime.
« De nombreuses stratégies d’atténuation dans le secteur des transports auraient divers avantages connexes, notamment des améliorations de la qualité de l’air, des avantages pour la santé, un accès équitable aux services de transport, une réduction de la congestion et une réduction de la demande de matériaux. »

AFOLU Agriculture, sylviculture et autres utilisations des terres, et systèmes alimentaires
La plus grande part du potentiel économique d’atténuation provient de la conservation, de l’amélioration de la gestion et de la restauration des forêts et d’autres écosystèmes (zones humides, côtières, tourbières, savanes et prairies), et de la réduction de la déforestation.
La perte continue de biodiversité rend les écosystèmes moins résistants aux extrêmes du changement climatique. Une gestion améliorée et durable des cultures et de l’élevage, ainsi que la séquestration du carbone dans l’agriculture, (comme l’agroforesterie) peuvent contribuer à une réduction importante.
23 à 42 % des émissions mondiales de GES sont associées aux systèmes alimentaires, alors que l’insécurité alimentaire et la malnutrition sont encore largement répandues.
Le passage à des régimes alimentaires comportant une part plus importante de protéines végétales, une consommation modérée d’aliments d’origine animale et une réduction de la consommation de graisses saturées pourrait entraîner une diminution substantielle des émissions de GES. Les avantages comprendraient également une réduction de l’occupation des sols et des pertes de nutriments dans le milieu environnant, tout en offrant des avantages pour la santé et en réduisant la mortalité due aux maladies liées à l’alimentation.

Demande et services: changement de comportement
Il s’agit du premier rapport du GIEC à fournir une évaluation approfondie de la manière dont le comportement, les choix et la consommation individuelle peuvent contribuer à atténuer le changement climatique.
Le changement de mode de vie nécessite des changements systémiques dans l’ensemble de la société. Cela permettrait de réduire les émissions mondiales de 40 à 70 % d’ici à 2050
Parmi les 60 actions identifiées qui pourraient modifier la consommation, les choix de mobilité individuelle présentent le plus grand potentiel de réduction de l’empreinte carbone. La priorité est donnée à la mobilité sans voiture par la marche et le vélo et à l’adoption de la mobilité électrique. Parmi les autres options figurent la réduction des voyages en avion, la réduction de l’utilisation des appareils ménagers, le passage aux transports en commun, la réduction des déchets alimentaires, des choix de chauffage et de climatisation adaptés au confort, et l’évolution de la consommation alimentaire vers un régime végétal.
Le concept d’économie circulaire est également présenté comme une approche d’atténuation de plus en plus importante : mettre l’accent sur la longévité des produits, la réutilisation, la remise à neuf, le recyclage et l’efficacité des matériaux, permettant ainsi de réduire l’énergie, les ressources et les émissions.
Le rapport rappelle que le potentiel d’atténuation de la demande diffère d’une région à l’autre et au sein d’une même région. Une partie de la population dans le monde est toujours confronté à des déficiences en matière de logement, de mobilité et de nutrition. Les personnes aisées contribuent de manière disproportionnée aux émissions et ont le plus fort potentiel de réduction des émissions tout en maintenant un niveau de vie et un bien-être décent.
Le changement de comportement individuel est insuffisant pour atténuer le changement climatique s’il ne s’inscrit pas dans un changement structurel et culturel. Avec un soutien politique, les options socioculturelles et les changements de comportement peuvent réduire de façon conséquente les émissions mondiales
Les mesures de confinement mises en œuvre dans de nombreux pays en réponse à la pandémie de Covid-19 ont démontré qu’il est possible de modifier les comportements à grande échelle et en peu de temps.
Élimination du dioxyde de carbone (CDR)
L’élimination du dioxyde de carbone est nécessaire pour contrebalancer les émissions difficiles à éliminer ; notamment par des méthodes biologiques : le reboisement et la séquestration du carbone dans le sol, l’amélioration de la gestion forestière, la restauration des tourbières, la gestion du carbone bleu (mangroves…).
Les nouvelles technologies nécessitent davantage de recherche, d’investissements initiaux et de preuves de concept à plus grande échelle.
Finance et investissement
Il existe un déficit de financement climatique qui reflète une mauvaise répartition persistante des capitaux mondiaux. Le rapport précise qu’il y a suffisamment de capitaux et de liquidités au niveau mondial pour combler les écarts d’investissement. Toutefois, cela dépend d’un signal clair de la part des gouvernements et de la communauté internationale, notamment d’un meilleur alignement des finances et des politiques du secteur public.
Politiques, instruments réglementaires et économiques
La meilleure façon d’obtenir des réductions profondes des émissions à long terme est de mettre en place des institutions et une gouvernance qui favorisent de nouvelles politiques d’atténuation. Les instruments réglementaires et économiques se sont déjà avérés efficaces pour réduire les émissions. Cela efficace nécessite une coordination entre les gouvernements et la société.
Innovation et Technologie
L’innovation dans les technologies d’atténuation du changement climatique a connu une énorme activité et des progrès significatifs ces dernières années. Mais avec des contreparties, comme une plus grande pollution environnementale, des inégalités sociales et une augmentation de la demande en énergie.
Les appareils numériques, y compris les serveurs, augmentent la pression sur l’environnement en raison de la demande de métaux rares et de leur élimination en fin de vie. L’absence de gouvernance adéquate dans de nombreux pays peut entraîner des conditions de travail difficiles et une élimination non réglementée des déchets électroniques. La fracture numérique existante, en particulier dans les pays en développement, et le manque de gouvernance appropriée de la révolution numérique peuvent entraver le rôle que la numérisation pourrait jouer dans la réalisation d’objectifs d’atténuation stricts. Les technologies numériques ont un potentiel important pour contribuer à la décarbonation en raison de leur capacité à accroître l’efficacité énergétique et matérielle, à rendre les systèmes de transport et de construction moins gaspilleurs et à améliorer l’accès aux services pour les consommateurs et les citoyens. Une prise de décision efficace nécessite d’évaluer les avantages, les obstacles et les risques potentiels.
Liens entre l’atténuation, l’adaptation et le développement durable
Il existe des liens de plus en plus étroits entre l’atténuation du changement climatique et la poursuite des objectifs de développement durable. Les Objectifs de développement durable (ODD) peuvent servir de base pour évaluer l’action climatique.
Sans mesures d’atténuation urgentes, efficaces et équitables, le changement climatique menace de plus en plus la santé et les moyens de subsistance des populations du monde entier, la santé des écosystèmes et la biodiversité. Les inégalités dans la répartition des émissions et dans les impacts des politiques d’atténuation au sein des pays affectent la cohésion sociale et l’acceptabilité des politiques d’atténuation et autres politiques environnementales.
Les mesures d’atténuation du changement climatique qui s’inscrivent dans le contexte du développement durable, de l’équité et de l’éradication de la pauvreté, seront plus acceptables, durables et efficaces. L’équité et les transitions justes peuvent permettre des ambitions plus profondes pour une atténuation accélérée.
Renforcer la réponse, prendre des mesures aujourd’hui
ll existe des options d’atténuation au changement climatique qu’il est possible de déployer à grande échelle et à court terme. Des mesures peuvent être prises dès maintenant pour modifier les trajectoires de développement, avec une coopération internationale renforcée.
Hoesung Lee, président du GIEC déclare : « Nous sommes à la croisée des chemins. Les décisions que nous prenons maintenant peuvent garantir un avenir vivable. Nous disposons des outils et du savoir-faire nécessaires pour limiter le réchauffement. »
Il temps d’agir, et maintenant. Le futur est entre nos mains.

Plus d’info
Résumé officiel pour décideur (en anglais)
Réseau Action Climat: quelles solutions face au changement climatique
Résumé de Bon Pote: nouveau rapport du GIEC
Auteur: Alice de Chilly