8 août 2021

Impacts du changement climatique sur la faune alpine

DANS LES ALPES, DES CHANGEMENTS RAPIDES

Le changement climatique est davantage évoqué récemment dans les médias. Qu’en est-il dans les Alpes ? Lors de la création de Montagne Verte il y a juste 2 ans, nous vous alertions sur le changement climatique qui a engendré dans les Alpes une augmentation de la température de presque 2 fois la moyenne mondiale.

Falaises abruptes, prairies alpines fleuries, combes enneigées : la beauté diversifiée et sauvage de nos montagnes dépend de l’ensemble de ces microclimats, des écosystèmes si différents que l’on trouve dans un espace réduit. Dans les Alpes, le climat varie avec l’altitude et le long des versants : on perd environ 0,6° pour 100m d’altitude..

Dans nos massifs, le changement devient visible. Qui n’a pas vu les photos de nos glaciers, véritables sentinelles du réchauffement climatique, qui reculent à vue d’œil?

Les températures augmentent, dans les Alpes du Nord, au cours des 40 dernières années, la durée de l’enneigement entre 1100m et 2500m a réduit de presque 5 semaines. La dégradation du pergélisol, ou permafrost, véritable ciment des montagnes, fragilise les parois. Plus de 700 écroulements ont été comptabilisés dans le massif du Mont Blanc entre 2007 et 2017.

Le bouleversement pour les espèces faunes et flores sont certes moins visibles que le recul glaciaire ou les écroulements rocheux mais pour autant aussi durables et profonds.

DES HIVERS PLUS DOUX

Un hiver moins rigoureux avec la réduction du manteau neigeux peut être bénéfique pour certaines espèces avec notamment l’augmentation de la durée de la végétation.

Mais d’autres en sont bouleversées car elles ne deviennent tout simplement plus adaptées. Pour les plantes, si la neige fond tôt au printemps, un risque important de gel tardif demeure.

De même pour le lagopède, le lièvre variable ou l’hermine qui changent de tenue en hiver pour se fondre dans le blanc de l’hiver ; lorsque la neige a fondue, leur camouflage n’est plus efficace face aux prédateurs. La date de la mue dépend en effet de la durée du jour et non de la température ou de la neige.

Le manteau neigeux maintient également une température au sol de quasi 0°. La neige est l’un des meilleurs isolants possibles pour la flore et pour certains animaux qui s’y abritent. Pour les marmottes, le manque de neige n’isole plus leurs terriers. Elles consomment plus d’énergie pour se réchauffer ce qui réduit leur poids au printemps. Il a été constaté que la survie des jeunes marmottons diminue après un hiver moins enneigé.

De même si la neige fond trop tôt, certains versant se retrouvent privés de sa fonte progressive qui assure une disponibilité en eau même au cœur de l’été.

La plupart de nos lacs de montagne perdent de l’oxygène en raison des températures plus élevées en Pour nos lacs de montagne, en raison des températures plus élevées, ces derniers perdent en oxygène. Tout comme pour le lac Léman, les eaux les plus profondes du lac n’ont pas été brassées depuis 9 années consécutives, ce qui entraîne des conséquences sur la biodiversité aquatique.

TOUJOURS PLUS HAUT

Une réponse principale au changement climatique est la tendance générale des espèces à se déplacer vers le haut pour retrouver leurs conditions optimales d’habitat. Les plantes et arbres montent en moyenne de 30m par décennie, 45 mètres chez les insectes et même 17 mètres pour les escargots. Quand on connait leur vitesse de pointe, on se rend compte que ce changement peut être considérable !

Étant donné la forme pyramidale des montagnes, l’espace disponible se réduit en altitude et offre de moins en moins de place pour chacun à l’avenir.

Un des meilleurs exemples est le lagopède. Relique des périodes glaciaires, avec ses pattes emplumées, qui lui ont valu son nom de Lagopus « pattes de lièvre », il a besoin de froid pour se reproduire et a trop chaud à partir de 21°… Dans les Alpes suisses orientales, on a observé les lagopèdes à des altitudes de plus en plus élevées, avec une augmentation de 6 à 9m par an. Son habitat rétrécit forcément ce qui devient préoccupant pour sa conservation

Quand un bouquetin rencontre un lagopède, pensez-vous qu’ils parlent de changement climatique ?

La forêt remonte aussi, les Alpes verdissent, ce qui est à double tranchant également. On ne peut que se réjouir de l’abondance d’arbres mais les pelouses et prairies alpines sont toutefois nécessaire pour de nombreuses espèces.

Y’A PLUS DE SAISON !

Une autre des adaptations forcées est le décalage des dates des cycles saisonniers.

Les insectes, les reptiles, les papillons, qui ne régulent pas la température de leur corps, avancent aujourd’hui leur cycle saisonnier régulièrement. Ce qui n’est pas le cas des oiseaux et des mammifères, leur cycle étant dicté par la durée du jour plus que par la température.

Quand on étudie les herbivores de montagne, on prend conscience de l’harmonie parfaite des animaux avec leur environnement. La date de mise bas des chamois et bouquetins est par exemple en accord parfait avec le pic de production de la végétation..

Lors de températures élevées au printemps, le démarrage de la végétation est alors précoce mais les plantes perdent rapidement en quantité nutritive après la floraison. Les dates de naissance restent inchangées même si le pic de floraison et la végétation est de plus en plus avancée dans la saison. Le timing parfait est alors déréglé.

Pour les chamois, le printemps est une période primordiale car les femelles doivent bénéficier d’une nourriture certes en quantité mais également de qualité pour avoir une lactation optimale et commencer à constituer des réserves de graisses. Une femelle chamois ne pèse presque que 25kg au printemps et doit regagner quasiment 10kg pendant l’été.

Autre exemple, pour les bouquetins mâles nés lors d’un printemps chaud, ils auront des cornes plus petites que leurs congénères nés lors d’un printemps plus frais. Il est fort probable que des printemps plus frais permettent d’avoir une nourriture très nutritive et d’obtenir une condition physique favorable de la mère en fin de gestation, et du lait et des végétaux de qualité qui seront ingérées par le cabri dès son premier été.

Des températures estivales trop chaudes vont aussi stopper la croissance des plantes et donc limiter les ressources possibles avant l’hiver. Des études ont montré que moins de cabris naissent les années suivant les étés chauds. Cela démontre que les étagnes (femelles bouquetins) ne constituent pas suffisamment de bonnes réserves lors d’été trop chauds pour mener à bien gestation l’année suivante.

ET MAINTENANT QUE FAIT-ON?

En s’interrogeant sur l’adaptation de ces espèces, habitants familiers de nos montagnes, et de constater tristement que cette partition si bien accordée se dérègle, comment ne pas se demander comment devons-nous, nous aussi, nous adapter à cet environnement singulier?

Redevenir des habitants discrets, préserver nos habitats culturels, économiques et affectifs. Aiguiser nos regards et accorder une vraie place à la biodiversité extraordinaire de nos reliefs.

Prendre soin de nos vallées et nos sommets, pour que nos visiteurs aient encore des espaces pour se ressourcer, rêver et s’évader.

Ralentir, ancrer la nature dans nos pensées et dans nos décisions futures.

Sources: Atlas du Mont-Blanc par le CREA, OFB, CNRS, Magazine Salamandre, Nature déboussolée par le CREA, Vogelwarte, Wsl.ch

Auteur: Alice de Chilly

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