Noël approche à grands pas et, bien que cette année il s’annonce inhabituel à tous points de vue, beaucoup d’entre vous seront en train d’acheter des cadeaux pour vos proches et vos amis. Avec une conscience éco-responsable, cela peut être une tâche difficile (voir ici pourquoi nous vous conseillons you buy local). Bien sûr, il existe beaucoup d’options qui se vantent d’utiliser des matériaux écologiques, avec une conception durable et un processus de fabrication neutre en carbone. Néanmoins, il est évident que tout produit fabriqué représente un coût pour notre environnement.
Il n’y a aucun domaine de la consommation où cela n’est plus vrai que dans l’électronique Au niveau mondial, nous produisons 50 millions de tonnes de déchets électroniques par an, une quantité que notre planète ne peut tout simplement pas supporter. Compte tenu des conditions sociales difficiles liées à la pandémie actuelle, il est prévu une hausse sans précédent, ce Noël, de la demande d’appareils électroniques, les gens cherchant à se connecter à distance avec d’autres Cette augmentation de ventes entraînera bien sûr une avalanche d’appareils périmés et souvent jetés en 2021 Même si dans beaucoup de communautés, y inclus la nôtre, le recyclage de déchets électroniques est en expansion, c’est un processus très coûteux et seul un faible pourcentage des déchets est effectivement recyclé.
Tandis que le développement durable et la recyclabilité sont deux éléments importants en ce qui concerne de nouveaux produits, il est essentiel de prendre en considération la longévité et la réparabilité d’un produit si nous voulons ralentir les conséquences désastreuses pour l’environnement du consumérisme de masse. Les produits avec ces caractéristiques sont essentiels dans l’évolution vers un modèle économique plus durable qui nous permettra de vivre confortablement dans les limites naturelles de notre environnement. Néanmoins, des entreprises mondiales de produits de consommation comme Apple utilisant sciemment des stratégies pour réduire la durée de vie des produits de base afin d’augmenter les ventes futures, il semble que nous soyons confrontés à une rude bataille. Il s’agit de la lutte contre une stratégie de fabrication intentionnelle connue sous le nom de « l’obsolescence programmée ».
QU’EST-CE-QUE L’OBSOLESCENCE PROGRAMMEE?
L’obsolescence programmée peut être définie comme la manière dont les entreprises conçoivent et fabriquent délibérément un produit pour s’assurer qu’il se dégrade et cesse de fonctionner plus tôt qu’il ne le ferait autrement Cela a pour but d’augmenter le taux de remplacement d’un produit, la demande future pour les achats ultérieurs et, par conséquent, les bénéfices de l’entreprise. D’un point de vue environnemental, un taux de remplacement plus élevé entraîne à une demande plus accrue d’extraction de matières premières, une augmentation des émissions à la fabrication, au transport et aux déchets et une expansion plus grande de l’utilisation des sols, accompagnée d’une contamination de l’environnement.
Les entreprises, comme Apple, n’ont pas inventé l’obsolescence programmée – en fait, les origines de cette pratique remontent à la commercialisation de l’ampoule électrique En 1925, un accord international a été signé dans la ville voisine de Genève entre les fabricants d’ampoules à incandescence, entraînant la création d’un « cartel » international de fournisseurs sur le marché des ampoules électriques Malgré le fait que la technologie pour des ampoules à très longue durée de vie existait déjà à l’époque, les fabricants savaient que, pour maximiser les ventes, il fallait dégrader la durée de vie de leurs ampoules. Ils ont même créé des salles d’essai pour s’assurer que les membres de ce cartel produisaient tous des ampoules au même niveau de (dys)fonctionnement, afin de ne pas se faire concurrence. Pour témoigner du fait que même les filaments des ampoules à incandescence peuvent durer nettement plus longtemps que l’industrie suggère, une ampoule en particulier, connue sous le nom de l’Ampoule du Centenaire, se trouve dans une caserne de pompiers en Californie où elle continue à briller après 119 ans !

Ayant terminé avec notre brève leçon d’histoire, revenons vite à la situation actuelle, où il n’existe toujours pas de législation internationale généralisée pour lutter contre cette pratique. De plus, l’obsolescence programmée est arrivée en douce dans des formes plus discrètes et manipulatrices, y compris l’obsolescence esthétique, qui joue sur notre psyché de consommateur, et l’obsolescence par le biais de modifications de logiciels. Apple est experte dans ces deux stratégies : non seulement elle retient les avancées technologiques déjà acquises afin de vendre plus tard les modèles futurs, mais on sait aussi depuis longtemps qu’elle publie des mises à jour logicielles pour des appareils comme l’Iphone qui ralentissent intentionnellement la vitesse des anciens appareils au point de les rendre dysfonctionnels.
COMMENT REMEDIER A LA SITUATION?
La lutte contre l’obsolescence programmée se heurte à de nombreux défis, notamment le fait qu’il est extrêmement difficile de prouver devant un tribunal qu’une entreprise pratique sciemment l’obsolescence programmée Heureusement, cela n’a pas empêché les gens d’essayer. Ici en France le gouvernement a établi avec audace en 2015 un projet de loi pour criminaliser les fabricants qui utilisent cette technique. Deux ans plus tard, cette loi a été mise à l’épreuve avec des procès intentés à la fois contre Epson et Apple. Par conséquence, en janvier 2020 Apple a été condamné à une amende de 25 000 millions d’euros et, bien que cela ne représente l’équivalent de 3 heures de bénéfices pour ce géant de la technologie, ce cas historique a créé un précédent énorme. En effet, la dynamique créée par le résultat de cette affaire a amené à une résolution au sein de l’UE, rédigée par le député français, Pascal Durand. Cette résolution a été adoptée avec une forte majorité par le Parlement européen, ce qui démontre qu’il existe un appétit international pour une législation faisant barrage aux dangers de la surconsommation. Tandis que ces bonnes nouvelles arrivent dans une période de domination corporative et d’urgence climatique, il reste encore beaucoup à faire pour aider la lutte contre l’obsolescence programmée.
L’INDICE DE CONSOMMATION HOP ET LE DROIT À LA RÉPARATION
Étant donné que le marché concerne à la fois producteurs et consommateurs, il y a beaucoup à faire du côté des consommateurs. Une partie peut simplement être atteinte par une meilleure information. Actuellement ce n’est pas si facile d’avoir accès aux informations concernant la longévité et réparabilité d’un produit, puisqu’il n’existe pas de système d’évaluation standardisé Tout cela est sur le point de changer dans un avenir proche, et la France est encore une fois en tête de cette lutte avec l’indice de consommation « Halte à l’Obsolescence Programmée » (HOP). Cet indice exigera que certains produits affichent une note sur dix calculée selon plusieurs critères clés, dont :
- la facilité de démontage
- le prix et la disponibilité des pièces de rechange
- l’accès aux informations sur les réparations
- le contenu et les objectifs des mises à jour de logiciels
Non seulement ce système donnera aux consommateurs le pouvoir de choisir des produits de meilleure qualité et conçus pour durer, mais il stimulera aussi une saine concurrence entre les fabricants qui doivent désormais prendre en compte les facteurs de longévité et réparabilité dans leurs modèles économiques.
Prévu pour 2021, ce premier indice ne sera pas parfait et ne concernera dans un premier temps que certains appareils ménagers et électroniques. Toutefois c’est un début prometteur et qui amènera sans doute à des systèmes plus informatifs et plus rigoureux à l’avenir. Ces informations auront sans aucun doute un impact énorme sur notre façon de faire des choix en tant que consommateurs.

La campagne pour « le droit à la réparation » (right-to-repair) a été en grande partie le moteur derrière cet indice, et celle-ci continue à gagner du terrain à travers le globe. Les partisans de ce mouvement sont très attachés à notre droit inhérent, en tant que consommateurs, de pouvoir réparer un produit quand cela est nécessaire. Cela signifie des produits bien conçus qui permettent un démontage facile et un accès équitable et abordable aux ressources de réparation, y compris les pièces de rechange, les manuels d’information et l’assistance communautaire à la réparation.
Avec la croissance de “café-bricolages”, d’autres espaces de réparation communautaires et d’un vaste mouvement politique, il est évident que les gens se passionnent pour ce sujet. Cela a même attiré l’attention de certaines entreprises, avec des grandes marques de sports en plein air comme Patagonia faisant la promotion et facilitant les réparations de leurs produits.
Pour ceux d’entre nous qui ont la chance de vivre en montagne, ces questions revêtent une importance encore plus grande Lorsque vous dépendez de votre matériel pour aller en montagne et rentrer chez vous à la fin de la journée en tout sécurité, il est crucial que cet équipement fonctionne bien, qu’il soit durable et qu’il puisse être réparé le moment venu. Quand les choses se cassent, il ne devrait pas être nécessaire de descendre dans la vallée ou de les envoyer plus loin par courrier pour un diagnostic ou une réparation Nos communautés de montagne, petites mais pleines de ressources, sont des endroits parfaits pour promouvoir une consommation réfléchie de produits de qualité et pour échanger les compétences et le savoir-faire indispensables pour les entretenir et réparer lorsque, inévitablement, ils commencent à fatiguer.
Ces changements importants dans la façon de penser et de mettre en pratique nos attentes et pratiques en tant que consommateurs sont non seulement d’une importance primordiale pour l’avenir de l’environnement, mais ils doivent aussi résonner avec certaines caractéristiques inculquées en nous par les mêmes montagnes dans lesquelles nous vivons : la résilience, l’inventivité et le respect.
Vous voulez en savoir plus?
https://www.halteobsolescence.org/
Pour soutenir le mouvement du droit à la réparation (right-to-repair) :
https://repair.eu/
Auteur: Seb Zuniga