Les entreprises (fabricants) de produits devraient-elles(ils) s’auto-proclamer « durables » ?
Alerte spoileir — Non, elles(ils) ne devraient pas.
Mais il existe d’autres moyens plus intelligents et plus précis de communiquer sur l’action environnementale. Lisez la suite pour découvrir pourquoi « durable » est scientifiquement incorrect et comment vous pouvez positionner votre marque ou vos produits avec plus de précision et conformément au « Code des revendications vertes » juridiquement contraignant.
Que signifie être durable pour les entreprises?
Plus précisément, dans le contexte des sciences de l’environnement, être « durable » signifie que votre entreprise fonctionne pour répondre à ses besoins (sociaux et financiers).
- Sans contribuer davantage au réchauffement climatique
- Sans contribuer aux conséquences inévitables d’un réchauffement supplémentaire,
- Sans déséquilibrer et épuiser excessivement les ressources naturelles du monde
- Sans dégrader ou détruire la biodiversité et les écosystèmes
- Sans causer de tort ou de perturbation à qui que ce soit ou quoi que ce soit, maintenant ou jamais
En d’autres termes… Être « durable » signifie fonctionner pour répondre aux besoins actuels de votre entreprise sans compromettre la capacité de toutes les formes de vie (humaine, flore et faune) à répondre à leurs propres besoins de survie, pour un futur indéfini.
L’accent est mis sur l’échelle de temps à très long terme – des centaines & des milliers d’années.
Être durable n’est pas une question de « références environnementales » au cours d’un exercice financier, ni même de la longévité totale d’une entreprise. Il s’agit de ce que nous laissons derrière nous quand nous sommes partis. Comment nos actions d’aujourd’hui contribuent aux résultats collectifs pour la vie de demain.
Signes vitaux
À moins que vous n’ayez été sur une fusée dans l’espace au cours de la dernière année, vous saurez que la température de la Terre est en corrélation avec le volume de gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère terrestre. Dans ce graphique de la NASA, nous examinons spécifiquement les niveaux de dioxyde de carbone.

Le graphique ci-dessus montre un pic exponentiel de dioxyde de carbone atmosphérique à l’époque exacte de la révolution industrielle – le moment où nous, en tant qu’êtres humains, avons commencé à développer l’industrie, la fabrication et les transports mondiaux – alimentés par l’extraction et la combustion de combustibles fossiles (une énergie non renouvelable à l’échelle de la vie humaine)
En corrélation directe avec le dioxyde de carbone atmosphérique (et d’autres Gaz à Effet de Serre), la surface de la Terre continue de se réchauffer considérablement, les températures mondiales récentes étant les plus élevées des 2 000 dernières années.

Bien que le concept de durabilité soit important, le mot a été exploité pour des intérêts commerciaux. La durabilité dans sa forme actuelle ne remet pas en cause les systèmes de pouvoir ou de privilèges existants. En fait, maintenir le système actuel ne fera que le conduire à l’effondrement.
Plus de GES = Températures plus chaudes = Catastrophes environnementales
Nous savons donc que tout type d’activité qui émet des gaz à effet de serre (comme les émissions de dioxyde de carbone provenant principalement de la production d’énergie, y compris la combustion du charbon, du pétrole ou du gaz naturel), entraîne le réchauffement de la terre, ce qui conduit à toutes sortes de catastrophes environnementales ainsi que des dommages et des perturbations à long terme et à grande échelle ; tant sur le plan physique, qu’économique.
Avec les preuves sans équivoque, il est mondialement reconnu et accepté par les climatologues, et enfin les gouvernements, que tant que les activités commerciales émettent des gaz à effet de serre (par exemple en raison de la dépendance aux combustibles fossiles), nous compromettons la définition d’une exploitation « durable ».
Mais si nous plantons des arbres et compensons nos émissions?
Compenser pour prétendre que vos opérations sont « durables » est inexact, mal informé et trompeur.
Les émissions de carbone d’un vol peuvent rester dans l’atmosphère pendant 1 000 ans. Ainsi, toute « compensation » pour votre vol, par exemple, aurait besoin de la même longévité.
Donc, même si vous commandiez la plantation d’un million d’arbres aujourd’hui pour « compenser » vos émissions de carbone opérationnelles – dans 1 000 ans, ou beaucoup plus tôt, il y a de fortes chances qu’une partie du carbone stocké soit libérée dans l’atmosphère.
L’effet de serre signifie que toutes nos émissions ne peuvent pas s’échapper dans l’espace – elles sont absorbées par les Gaz à Effet de Serre, puis rayonnées dans toutes les directions, réchauffant la terre. Les écosystèmes de la Terre ont une capacité limitée et sans cesse appauvrie de stockage du carbone (les forêts par exemple). La véritable façon de faire face à cette crise mondiale est de la réparer à la source – en réduisant et, à terme, en éliminant notre dépendance à l’égard des énergies non renouvelables ainsi qu’en protégeant / restaurant les écosystèmes qui gèrent le cycle du carbone.
N’omettez pas – cela ne concerne qu’un seul problème environnemental (le réchauffement climatique) – être « durable » s’applique également à d’autres problèmes tels que les déchets, la lixiviation et la pollution de l’air. Si les produits finissent dans les décharges et que l’économie n’est pas circulaire, ce n’est pas « durable » non plus.

Leçons des dirigeants, problème du greenwashing
Les plus grandes marques de vêtements du monde cachent des pratiques irresponsables et utilisent à tort des mots comme « durable », « vert » & « conscient ». Patagonia Ce n’est pas un hasard si la marque la plus respectueuse de l’environnement (Patagonia) dénonce l’utilisation abusive des mots ci dessus (y compris « durable »). Leur ton et leur approche sont très clairs sur le fait qu’ils font partie du problème, mais ils font ce qu’ils peuvent pour être plus responsables.
“Tout ce que nous faisons a un impact sur la planète.” — Patagonia.
« La crise climatique n’est plus une prévision – pour des millions de personnes, elle est devenue une réalité fréquente, difficile, voire dévastatrice, et chaque partie de l’activité de Patagonia est impliquée. Nous sommes empêtrés dans les émissions de carbone : fabriquer du fil de polyester à partir d’huile, tisser du tissu sur des machines fonctionnant aux combustibles fossiles, teindre les tissus avec des colorants chimiques et des vestes imperméabilisantes, coudre des chemises dans des usines, transporter des pantalons d’un pays à l’autre ou d’une ville à l’autre, expédier des vêtements dans des sacs postaux en plastique aux personnes qui les commandent, se rendre au travail en voiture.
La marque Patagonia est loin d’être parfaite, mais elle l’admet et comprend la science et la façon de communiquer les problèmes et les solutions potentielles avec prévenance et transparence.
Le terme « Durable » n’est qu’un mot – pourquoi est-il important ?
« C’est seulement un mot ». « Les gens peuvent s’y identifier ». « Les gens le comprennent ». « Tout le monde l’utilise ». « On y tend ». » Qu’est-ce qui ne va pas avec ça » ?
ça compte pour 5 raisons principales:
- 1. C’est inexact (voir le point 1 du « Code des revendications vertes » ci-dessous)
- 2. C’est trompeur
- 3. Vous ne pouvez pas évaluer l’impact du produit en fin de vie
- 4. Nous serons morts avant que la durabilité ne soit mesurée
- 5. C’est illégal (voir Loi Climat)
En résumé, la science (et le leadership de Patagonia) nous informe qu’il serait éthiquement erroné de qualifier une marque ou une entreprise comme « durable » tant que nous dépendons et émettons du carbone ou d’autres gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Les marques éthiques le savent et trouvent des moyens de communiquer leurs efforts sans avoir recours au greenwashing (écoblanchiment).
Code des revendications vertes — cadre juridiquement contraignant
Au Royaume-Uni, L’Autorité de la Concurrence et des marchés (CMA) a élaboré le Green Claims Code Code des revendications vertes qui énonce six points clés pour vérifier que vos allégations environnementales sont véritablement « vertes ».
1. Soyez honnête et précis : les entreprises doivent être à la hauteur des revendications qu’elles font au sujet de leurs produits, services, marques et activités
2. Soyez clair et sans ambiguïté : le sens qu’un consommateur est susceptible de donner au message d’un produit et les références de ce produit doivent correspondre.
3. Ne pas omettre ou cacher des informations importantes : les revendications ne doivent pas empêcher une personne de faire un choix éclairé en raison des informations qu’elles omettent.
4. Ne faire que des comparaisons justes et significatives : tous les produits comparés doivent répondre aux mêmes besoins ou être destinés au même but
5. Tenir compte du cycle de vie complet du produit : lorsqu’elles font des revendications, les entreprises doivent tenir compte de l’impact total d’un produit ou d’un service. Les revendications peuvent être trompeuses lorsqu’elles ne reflètent pas l’impact global ou lorsqu’elles se concentrent sur un aspect de celui-ci mais pas sur un autre.
6. Se justifier : Les entreprises doivent être en mesure d’étayer leurs revendications par des preuves solides, crédibles et à jour.
Les autres moyens de communiquer sur les actions environnementales
Si, comme le dit Patagonia, « tout ce que nous fabriquons est nocif pour la planète », la seule chose que nous pouvons faire est de rendre les choses moins nuisibles et moins impactantes sur les ressources naturelles de la terre en étant plus responsables.
Plutôt que de demander « Dans quelle mesure un produit est-il durable ?», il serait plus logique de se demander « Comment pouvons nous minimiser l’impact environnemental inévitable des produits commercialisés à l’échelle mondiale ? ». Même un avocat n’est pas « durable » lorsqu’il est produit en masse et transporté par avion d’Amérique du Sud vers l’Europe.
Il va sans dire qu’il ne s’agit pas seulement de la fabrication du produit mais de l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement, des opérations commerciales, des mouvements de personnel et des résultats après achat – du « berceau à la tombe » (et au-delà).
La formulation doit être soigneusement examiné et représenter la vérité basée sur la science et ce qui est possible et ce qui ne l’est pas pour votre entreprise spécifique.
S’efforcer d’être une entreprise « plus durable » est un effort important et nécessaire. Mais à la lumière des données scientifiques ci-dessus, le langage doit changer.
Des pistes de réflexion
- Innover pour réduire l’impact environnemental
- Chercher des solutions moins nocives
- S’engager à adopter des pratiques respectueuses de l’environnement
- Rechercher des solutions environnementales dans un monde imparfait
- Dirigé par la science de l’environnement, guidé par des pratiques responsables
L’expression « Écologiquement responsable » est plus intelligente et précise que l’expression « durable » car elle permet de reconnaître les imperfections et d’être transparent sur le fait que seule la protection et la restauration des ressources naturelles de la terre sont durables, et non l’épuisement infini des ressources non renouvelables.
Aucun d’entre nous n’est parfait, mais cela ne signifie pas que le langage que nous utilisons ne peut pas l’être.
Alors que peut contenir un mot? Littéralement tout.
Auteur: Gillon Hunter
Traduction: Camille Gerbault